La dernière campagne électorale nous a rappelé, une fois de plus, à quel point certaines traditions se sont perdues avec les ans. Le scrutin du 2 mai 2011 n’a en effet été précédé ni d’une assemblée contradictoire ni d’un rassemblement partisan d’envergure, deux rituels qui faisaient pourtant partie du folklore politique il n’y a pas si longtemps.
Le temps n’a pas non plus épargné certaines célébrations religieuses populaires, comme la Fête-Dieu (le premier dimanche après la Pentecôte) et celle du Sacré-Cœur de Jésus (le 19e jour suivant la Pentecôte), qui attiraient autrefois des foules considérables. Ces deux événements constituaient des moments forts du calendrier religieux que l’on soulignait avec faste.
Toute la communauté se mobilisait alors pour assurer la bonne marche des activités. Profitant généralement d’une température clémente, puisqu’elles ont lieu en mai ou en juin, la Fête-Dieu et celle du Sacré-Cœur de Jésus étaient marquées par une procession dans les rues de la ville. Pour l’occasion, des citoyens décoraient leurs maisons, mettant en évidence des slogans de circonstance. Des arches de verdure étaient érigés à différents endroits et des reposoirs aménagés sur le parcours. Pour la fête du Sacré-Cœur de 1938, il y en a un à la Crèche – sur le site de l’actuel CLSD (Foyer du Sacré-Cœur) – et un autre au Collège Saint-Patrice.
Le Couvent du Sacré-Coeur illuminé, lors de la Fête-Dieu, en 1938. (Photographe inconnu, coll. SHM)
Le tracé varie selon les années. En 1934, la procession se met en branle à l’église Saint-Patrice, puis emprunte les rues Merry Nord, Principale, Sherbrooke et Saint-Patrice Ouest. Lors de la Fête-Dieu, en 1938, elle serpente plutôt la paroisse Sainte-Marguerite, suivant les rues Saint-Patrice Est, Hall, Principale, Saint-Pierre et Saint-Patrice Est.
Les associations magogoises sont bien représentées lors de ces événements. C’est le cas de la Ligue du Sacré-Cœur, ainsi que des Chevaliers de Colomb, des Dames de Sainte-Anne, des Cadets et de bien d’autres. À une époque où l’enseignement est dispensé par des communautés religieuses, les étudiants, qui pensent déjà à leurs vacances estivales, forment une part importante de la foule venue, dans le cas de la fête du Sacré-Cœur, honorer le « symbole de l’amour divin par lequel le Fils unique de Dieu a pris la nature humaine et s’est livré pour les hommes. »
Et quelle foule !
Lors de la fête du Sacré-Cœur de 1938, un journaliste évalue le nombre de participants à 3 000, soit environ le tiers de la population de la ville. Cette estimation doit être considérée avec prudence. Les Magogois qui ont connu cette période sont toutefois unanimes à affirmer que, pour les catholiques, ces vendredis soirs magiques, empreints de féerie, constituaient un moment rassembleur auquel peu songeaient à se soustraire. À cet égard, l’image des centaines de flambeaux tournés vers le ciel – voir la photographie accompagnant l’article – illustre, peut-être mieux que n’importe quelle autre, cette période révolue où la religion jouait un rôle central dans la vie sociale de notre collectivité.
Serge Gaudreau