Lazare Gingras est élu par acclamation
On pardonnera aux Magogois de ne pas se souvenir de la dernière fois que leur maire a été élu par acclamation. Après tout, le 1er février 1940, ce n’est pas hier ! Et puis les élections par acclamation, moins fréquentes au cours des dernières décennies, survenaient sur une base plus régulière à cette époque. Entre 1914 et 1948, on constate qu’en moyenne, quatre des six postes de conseillers en jeu sont comblés sans opposition. En 1914, seul Georges Rolland, dans le quartier 3, gagne son siège après une lutte électorale. En 1924, le conseil est même entièrement renouvelé sans qu’un seul bulletin de vote ne soit déposé dans les urnes ! Faut-il y voir une satisfaction profonde des électeurs magogois ? Une marque d’indifférence à l’endroit de la politique municipale ? En tout cas, les Magogois ne sont pas les seuls à choisir leurs élus de cette façon. Le même phénomène se produit en effet de façon récurrente dans le canton de Magog. Les plus vieux se surviendront par exemple que le maire Edgar Bournival, en poste de 1957 à 1975, a remporté 8 de ses 9 victoires par acclamation. À Magog, la coutume veut toutefois que plus d’un candidat soit au départ des courses à la mairie. Depuis que les électeurs peuvent voter directement pour leur maire, en 1914, il n’est arrivé qu’à deux reprises, que le premier magistrat soit élu sans opposition. La première survient le 21 janvier 1918, alors que Alfred L’Archevêque obtient un troisième mandat sans livrer bataille. Vingt-deux ans plus tard, le 1er février 1940, c’est au tour de Lazare Gingras de recevoir la même marque d’estime. Un passionné de politique ce Lazare Gingras !Défait par Armand Boutin dans le quartier 5, en 1926, ce commerçant de la rue Principale, dont l’établissement est situé devant la filature de la Dominion Textile, revient à la charge en 1934 et est élu dans ce même quartier 5 contre Joseph D’Arcy.
En 1936, Gingras a les yeux sur la mairie. Battu par Laurent Degré, un autre commerçant, il ne se laisse pas décourager. Après avoir patienté pendant deux ans – durée des mandats à l’époque –, sa ténacité l’honore le 1er février 1938 alors qu’il remporte une victoire écrasante sur Étienne Potvin. Les 807 votes que le gagnant récolte constituent à ce moment un record, ce qui est d’autant plus inusité que Gingras habite le « bas de la ville », un secteur qui a été rarement représenté à la mairie depuis la fondation de la ville, en 1888.
Le mandat s’avère mouvementé. Aux prises avec les derniers soubresauts de la crise économique, Magog connaît une poussée de chômage inquiétante. Pour l’enrayer, le maire Gingras, un personnage haut en couleur qui n’a pas la langue dans sa poche, se rend régulièrement à Québec. Il n’hésite pas non plus à faire des déclarations fracassantes afin d’inciter les gouvernements à financer des travaux pour les chômeurs, comme ceux qui permettent l’érection des murs de soutènement autour de la pointe Merry. C’est finalement la relance de l’économie, engendrée par le déclenchement de la guerre en Europe, qui enrayera le problème du chômage à Magog. Les citoyens semblent néanmoins apprécier les efforts de leur maire. Le 1er février 1940, ils le confirment à nouveau dans ses fonctions, cette fois par acclamation.